Burundi
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Conjurer le spectre du Zimbabwe de Mugabe et du Zaïre de Mobutu

Par Abbas Mbazumutima

La peur perceptible sur les files d’attente devant les guichets « Dépôt » des banques, leurs agences et autres microfinances dans toutes les villes du Burundi a suscité des doutes. L’annonce de la BRB de retirer de la circulation les billets de 5 mille et de 10 mille BIF, a créé une panique diffuse, même si la banque centrale tranquillise.
Désorientés, certains déposants comme les commerçants et autres commissionnaires des hommes d’affaires disent se souvenir de la menace du chef de l’Exécutif. Il avait prévenu que ces grosses coupures aujourd’hui « honnies dont il faut se débarrasser », pouvaient devenir des simples paperasses.

La menace claire, directe, était spécialement adressée aux ’’grands thésauriseurs’’ que le président Evariste Ndayishimiye semble connaître. Sauf qu’aujourd’hui la mesure touche tout détenteur de ces fameux billets.
Une décision qui fait des victimes collatérales : de la vieille dame de Kinyinya, au boutiquier de Ruzo en passant par les commerçants et autres hommes d’affaires habitués de Guangzhou et autres Dubaï.

Un économiste de la vieille école approché pour savoir les raisons qui poussent un État à changer des billets de banque fait un petit rappel.  Selon lui, l’histoire donne quelques exemples de changements de monnaie en période d’inflation hors de contrôle. Cela est déjà arrivé au Zimbabwe de Mugabe et au Zaïre de Mobutu. Ce qui n’est pas le cas pour le Burundi, fait-il remarquer.
Mais notre source souligne que par le passé, il y a eu des changements de monnaie pour éviter un accaparement de la monnaie par des institutions non légitimes. Elle rappelle le changement de la monnaie au Rwanda pour frapper les « forces génocidaires » qui avaient fui avec les coffres de la banque centrale !

Mais quid du Burundi ? « Au Burundi, cela fait partie du combat politique pour recouvrer l’entièreté de tous les leviers du pouvoir dont certains semblent échapper au contrôle », explique le banquier.

« Certains ont une longueur d’avance sur la surveillance formelle »

Le banquier nuance. La mesure a ses limites. D’abord, il n’est pas impossible que les détenteurs de gros montants aient eu le temps de les « dispatcher » entre proches et amis pour les déposer sur plusieurs comptes.
Mieux, « c’est fort probable que les grands thésauriseurs pourraient avoir déjà blanchi ces sommes en des activités économiques irréprochables. C’est souvent le cas un peu partout dans le monde ».

Un autre économiste interrogé est plus pessimiste. Pour lui, « les réflexes parallèles ont souvent une certaine longueur d’avance sur la surveillance formelle ». 

D’après lui, la mesure pourrait faire beaucoup de mal à des gens qui ne sont pas spécialement coupables. « Il faut garder à l’esprit qu’en général on n’a pas une culture bancaire. Il y a beaucoup de commerçants qui gagnent honnêtement leur vie et qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les banques. Que doit-on faire ? Les ruiner ? », s’interroge-t-il ?

Tous les banquiers reconnaissent que l’objectif de la mesure doit aller au-delà de la lutte contre la thésaurisation. « Il faut éviter que dans l’avenir les gens gardent chez eux des sommes importantes d’argent ».

Tous conseillent à la BRB de digitaliser et de développer des systèmes de paiement. Il faut également une législation et une régulation appropriées et procéder à l’éducation aux moyens de paiement électronique. Et de faire un clin d’œil : « Le Kenya et le Rwanda sont de bons exemples, ce n’est pas loin, il faut s’en inspirer. Il y a déjà au Burundi quelques initiatives dans ce sens ».  

Mais, entretemps, de nombreux citoyens qui n’ont rien fait de répréhensible vivent le calvaire pour se débarrasser de ces billets avec des heures passées sur les files d’attentes …

Neva décidé à en découdre

« Le combat économique est une lutte acharnée et nous devons en sortir victorieux, je vous le jure. Vous savez très bien que je suis un combattant, si vous ne m’aidez pas dans cette lutte, je n’hésiterais pas prendre les armes et faire cavalier seul, je vous ferai un rapport quand j’aurais terminé », s’est engagé le chef de l’Etat.

« Je suis déterminé dans cette lutte et je ne compte pas vous partager mon secret. Il n’y a pas d’autres solutions, nous sommes en guerre et nous devons faire front contre des gens décidés à maintenir le pays dans la pauvreté. Imaginez-vous des gens qui retirent tout l’argent de la BRB, s’en emparent pour le thésauriser après, c’est une autre forme de guerre », fait savoir le président Evariste Ndayishimiye, remonté contre les thésaurisateurs.