Burundi
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Evitez les « dommages collatéraux… »

La Banque de la République du Burundi, BRB, vient de prendre la décision de retirer de la circulation, depuis le 8 juin 2023, les billets de 5 000 FBu et de 10 000 FBu datant du 4 juillet 2018 pour les remplacer par de nouvelles coupures de cette même valeur du 7 novembre 2022. Les raisons avancées par la Banque centrale sont nombreuses et semblent pertinentes, notamment le fait que « plus de 60 % d’une certaine gamme de billets se retrouvent hors du circuit bancaire ». Dans une interview exclusive qu’il a accordée à Iwacu, le gouverneur de la BRB n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il assume que « des mesures s’imposent ». Très bien.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Et ce n’est pas la première fois qu’une telle opération se fait au Burundi. Mais cette fois, la décision est sous les feux des critiques. Elle a provoqué un tollé, causé l’émoi dans certains milieux. Entre autres griefs : le plafond de dépôts et de retraits en cash sur une courte période. Les longues files d’attente devant les banques. La mesure est ainsi accusée de tout et de son contraire : « C’est un pur règlement de comptes … Des mesures irréfléchies, hâtives, anticonstitutionnelles qui mènent à des solutions bancales… » Certains anticipent déjà les conséquences de la décision de la BRB : « Elle sape la confiance des acteurs économiques locaux et les pourvoyeurs d’aide financière étrangère qui pourraient conclure à un manque de la maîtrise de la politique monétaire et financière… Il y aura l’anéantissement, la destruction de confiance de notre monnaie. Attendons-nous à la dollarisation de notre économie. »

Des questions aussi. Selon un expert en économie, une institution stratégique comme la BRB a, à sa disposition, des instruments techniques pour contrôler, augmenter et réduire la masse monétaire. Mais comment se fait-il que 60% de billets puissent « disparaître hors du circuit bancaire » à l’insu de la Banque centrale ? Quelles sont réellement les causes de cette disparition ? Qui seraient en possession de ces montants colossaux ?

Amer beaucoup de citoyens estiment que si la mesure devait toucher seulement ceux qui ont pillé, détourné les deniers publics, le public applaudirait. Cependant, elle risque de causer un préjudice grave aux détenteurs qui ont gagné cet argent honnêtement. Surtout que notre pays affiche un faible taux d’inclusion bancaire en particulier dans les milieux ruraux éloignés des banques et autres établissements financiers. Comment alors séparer le bon grain de l’ivraie, protéger le citoyen de bonne foi des « prédateurs » qui ont acquis cet argent de manière frauduleuse ? Ce n’est pas simple.

Un agent de la Banque centrale me disait que devant de telles décisions, il y a toujours des dommages collatéraux. J’ose espérer qu’il faisait de l’humour… Seules la sagesse et l’ingéniosité des dirigeants de la Banque centrale et des hauts responsables de l’Etat peuvent éviter ces « dommages collatéraux » à des citoyens qui n’ont commis aucun acte répréhensible. Certes, ce n’est pas bien de garder de l’argent chez soi, mais la culture bancaire n’est pas encore ancrée chez nous. C’est toute une éducation à faire. Mais en attendant, qu’aucun citoyen honnête ne paie pas pour les détourneurs…