Burundi
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Feu Bernard Rubeya : un petit pas pour le capitaine, un pas de géant pour le Burundi

A la veille de la célébration de la fête de l’indépendance ce 1er juillet, Iwacu est allé à la rencontre de Cécile Rubeya, la veuve du défunt Capitaine Bernard Rubeya qui était aux commandes du tout premier défilé militaire du Burundi indépendant. Zoom sur un parcours de vie époustouflant.

C’est dans sa maison spacieuse située dans un quartier nord de Bujumbura que Cécile Rubeya nous reçoit. A l’intérieur, sur les murs, trônent quelques photos de son défunt époux, Bernard Rubeya.

Cécile révèle que c’est sous ce toit qu’elle a vécu avec son époux pendant plus de 45 ans. Ensemble, ils ont eu six enfants. En mai dernier, Bernard Rubeya a tiré sa révérence, le capitaine s’en est allé. « J’étais submergée de messages de réconfort. A peine je terminais à lire tel message venu d’un ami que deux autres tombaient. Cela m’a montré à quel point il était apprécié ».

La septuagénaire a le sourire enchanteur qui met tout de suite son interlocuteur à l’aise. Chez elle, la nostalgie des moments passés avec feu son mari reste intacte. « Il est resté militaire dans l’âme. Il se réveillait et déjeunait à des heures précises. Tout était millimétré dans sa vie, même au plus fort de sa maladie ! »

Habillée d’un tailleur traditionnel, Mme Rubeya revient sur les grands moments qui ont jalonné la vie du défunt. Né dans la province Muramvya en 1940, Bernard Rubeya entre à l’armée comme candidat officier en 1961 après ses études secondaires à Astrida, dans l’ancienne préfecture de Butare, actuel district de Huye, au sud du Rwanda.
Nommé officier sous-lieutenant en mars 1962, il devient capitaine en juin de la même année. Le 1er juillet, le Burundi obtient son indépendance. « A cette date, il n’y a pas eu de festivités. Avec l’assassinat de Lumumba, des troubles avaient éclaté chez notre grand voisin de l’Ouest. De l’autre côté de la Kanyaru, ’’la révolution sociale’’ avaient occasionné des exils massifs de Rwandais notamment vers le Burundi. D’ailleurs, il semble qu’à cette date du 1er juillet, le roi Mwambutsa n’était pas lui-même présent au Burundi », indique Cécile Rubeya.

C’est en septembre de cette année-là que le jeune capitaine de 22 ans est entré dans les pages de l’histoire du Burundi. « Il a présidé le premier défilé militaire du Burundi indépendant organisé aux dates du 27, 28 et 29 septembre. Les militaires devaient parader devant le roi. Il était tout rayonnant », témoigne cette dame.
Elle n’hésite pas à montrer avec fierté les images de cet événement où l’on aperçoit le Capitaine Bernard Rubeya effectuant le passage des troupes en revue aux côtés d’un futur président de la République : le Colonel Michel Micombero, tombeur de la monarchie burundaise multiséculaire.

De 1966 à 1968, le jeune Rubeya est à la tête des Ecoles militaires des Officiers et des Sous-officiers (EFA I et II) qui vont plus tard fusionner pour donner naissance à l’ISCAM l’Institut supérieur des Cadres militaires.

« Un homme au grand cœur »

En 1971, Bernard Rubeya est mis sous les verrous dans le cadre de l’Affaire Ntungumburanye. Surnommé ’’le complot des gens de Muramvya’’, cette affaire a engendré l’arrestation de hauts cadres de l’Etat originaires principalement de la province Muramvya, accusés d’avoir trempé dans l’organisation d’un putsch contre le président Micombero.

Bernard Rubeya sortira de prison en 1974 à la faveur d’une grâce présidentielle. « C’était une période très éprouvante pour le jeune couple que nous formions à l’époque. Mais nous avons tenu bon ! », révèle la veuve de M. Rubeya qui semble ne pas vouloir s’étendre sur cet épisode.

Cependant, son rôle joué par son défunt époux en 1962 est resté gravé dans les mémoires. « Tous les régimes qui se succèderont au pouvoir ont toujours témoigné du respect à l’endroit de mon mari qui était toujours un de leurs invités d’honneur pour la fête de l’indépendance du 1er juillet ».

Il y a près de deux mois, le président Ndayishimiye avait envoyé un représentant lors des funérailles de Bernard Rubeya. « Ce geste nous a touchés et nous tenons à exprimer nos sincères remerciements au chef de l’Etat pour cet égard vis-à-vis de mon défunt époux ».

A l’instar du rôle historique de M. Rubeya, sa moitié garde aussi l’image d’un homme doté d’une rigueur implacable et d’une générosité à toute épreuve. « Quand nous allions assister à des cérémonies sociales, il était très ponctuel. Pour lui, c’était un signe de politesse. A part cela, il avait un cœur d’or. Sa famille comptait beaucoup sur lui, il s’occupait aussi des plus nécessiteux et des étudiants moins nantis auxquels il faisait don de ses plus beaux vêtements. Il était vraiment exceptionnel ».

Mme Rubeya nous raconte une anecdote dont elle a un souvenir vivace. « Il avait souvent l’habitude de racheter tous leurs produits aux vendeuses de rue qui passaient devant notre maison. Certains fruits qui n’avaient trouvé des acheteurs frôlaient la pourriture. Mais mon époux les leur rachetait tous pour les appuyer dans leur petit commerce. Il était d’un grand cœur ! », confie Cécile, la voix gorgée d’émotions.