Burundi
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INTERVIEW EXCLUSIVE | Epipode Baranyikwa : « Mon rêve, c’est d’installer une zone économique spéciale à Ngozi »

Cohabitation politique, rapatriement des déplacés, développement socio-économique, Iwacu est allé à la rencontre du gouverneur de Ngozi. Une occasion de dévoiler aussi sa vision pour cette province.

Comment est la cohabitation politique à Ngozi ?

Elle est bonne. Même au cours de la période électorale de 2020, la province Ngozi a été globalement stable. Il ny a pas eu de cas graves dintolérance politique, de violence. Juste quelques incidents isolés contrairement aux autres échéances électorales.
Vraiment, il y a eu un changement positif. Avant, il y avait des cas de violence occasionnant même des blessés. Mais, actuellement, après les élections, les gens des différents partis politiques sont restés calmes. La sécurité est restée totale.
Les jeunes des différentes formations politiques ont même formé une coopérative commune. Au début, les initiateurs sont des jeunes qui sont dans les comités des partis politiques mais par après ils y ont amené les membres de leurs partis.
Cette coopérative uvre surtout dans le secteur primaire. Pour renforcer la cohabitation, ils organisent des rencontres sportives entre leurs partis dorigine.

Mais, même si vous décrivez une situation normale, des affrontements entre membres du parti au pouvoir et ceux du CNL ont été signalés à Kiremba. Que sest-il passé ?

Moi aussi, je lai appris. Mais, ce sont de petits problèmes qui se produisent quelques fois. Tout nest pas rose bien sûr. Mais, je ne pense pas que cela puisse prendre une grande ampleur.

Les blessés sont en train dêtre soignés à lhôpital. Et les forces de lordre et de sécurité et la justice sont en train de soccuper de laffaire afin que nous ayons toute la lumière sur ces incidents.
Nous aussi, nous navons pas laissé cette affaire dans leurs mains seulement, nous comptons tenir une réunion avec la population ce vendredi.

Nous voulons recueillir leurs avis afin de savoir ce qui sest passé réellement et leur prodiguer des conseils. Mais, les auteurs de ces blessures doivent être punis conformément à la loi.

Lintolérance politique semble sy installer de plus en plus. Quel est votre message ?

Avant de leur donner un message, nous prévoyons dabord les écouter pour savoir pourquoi sont-ils allés jusquà ce niveau. Parce quon voyait ce genre dagissements lors des élections de 2010, 2015. Nous allons prendre toute une journée pour écouter les uns et les autres. Cest de là que nous allons leur donner un message clair.

Et il ny a pas un autre message que de leur dire quils sont tous des Burundais, quils doivent mettre en avant le partage et la cohabitation. Ils nont pas un autre pays, une autre colline ou une autre commune. On peut se choisir un ami mais pas un voisin. Et nous, comme administratifs, nous sommes là pour réconcilier la population.

Le gouvernement prévoit la transformation des sites de déplacés en villages de paix. Quelle est la situation à Ruhororo ?

Ce site a des particularités par rapport aux autres. Beaucoup de maisons des déplacés se trouvent dans des terres des particuliers. Ces derniers attendent leurs terres depuis une vingtaine dannées.

Heureusement, ils ont été patients, ils ne se sont pas révoltés ou nont pas voulu récupérer leurs terres par force. Même parmi ces déplacés, certains ont déjà reconstruit les maisons et regagné leurs collines dorigine.
Malheureusement, il y en a dautres qui vendaient illégalement ces terres avant de retourner sur leurs collines. Là, ils doivent être poursuivis en justice.

Dautres hésitent encore de rentrer mais nous constatons que le mouvement retour samplifie. Et de son côté, le ministère de lintérieur est en train de préparer un projet de villagisation inclusive qui intègre les ex-déplacés et les résidents.
Aujourdhui, quils sachent que les raisons qui les ont poussés à quitter leurs terres ne tiennent plus. Il faut quils rentrent pour participer pleinement dans le combat contre la pauvreté.

Ces dernières années, Ngozi était qualifiée de ‘’Dubaï du Burundi. Comment se tient le commerce avec la pandémie de Covid 19 ?

Oui, avec cette pandémie, on ne peut pas dire que cest facile aux commerçants dexercer leur métier. Mais, comme cest dans les habitudes des gens de Ngozi, ils essaient de tenir debout. Même si les importations des marchandises ne sont pas faciles, nous voyons toujours des commerçants dautres provinces sapprovisionner à Ngozi. Cest cher, mais nos importateurs poursuivent leurs activités. Et de nombreux défis sont là.

Par exemple ?

Ceux qui se rendaient en Chine sont aujourdhui obligés de chercher des commissionnaires sur place. Ils envoient de largent et attendent leurs commandes ici. Mais, ils essaient de trouver dautres marchés dapprovisionnement même si les moyens de transports sont aussi aujourdhui compliqués. Et les prix ont aussi monté. Mais, ils persévèrent.

Vous venez de passer presque deux ans à la tête de cette province, votre bilan au point de vue développement
A cet aspect, Ngozi se développe au rythme du pays. Nous sommes en train de sensibiliser la population pour augmenter la production en vue de lutter contre la faim. Et la majorité de la population vit essentiellement du secteur primaire. On reste donc dans la droite ligne du président de la République : Il faut que chaque bouche ait à manger et que chaque poche ait de largent.

Qu’est-ce que vous faites concrètement ?

Nous avons commencé par la mise en commun des terres afin davoir des grandes étendues cultivables. Cela concerne les terres familiales et les terres domaniales. Je vous signale par exemple que des coopératives sont en train dexploiter plus de 64 hectares, à Kabamba, en commune Gashikanywa. Là, c’est un espace réservé à un aérodrome mais en attendant que ce projet se réalise, il faut quil soit rentabilisé. On y a planté du maïs et la récolte a été bonne.

La riziculture sest beaucoup développée aussi. Parce que dans les années passées, le riz nétait pas cultivé dans notre région. Aujourdhui, grâce au programme Prodefi (Programme de développement des filières), cette filière est très prospère.
La population a été formé en riziculture. Avec les marais aménagés, aujourdhui, nous récoltons plus de 5 tonnes par hectares alors quavant, cétait à peine une tonne par hectare. Car, via ce programme, les populations ont été appuyées en matériel et ont reçu des semences sélectionnées et des fertilisants.

Je vous signale que pour le moment, on a déjà adopté le système de labourer, semer, sarcler et récolter en même temps. Et cest vraiment très productif. Comme résultat, nous avons déjà vendu deux fois un surplus de maïs. Au début, nous avons écoulé 1000 tonnes de maïs, et actuellement on sattend à 2.500 tonnes de maïs de surplus.

Et l’élevage ?

Là, Ngozi nest pas en arrière. Ce même programme a donné des vaches et autres animaux domestiques. Par exemple, 1500 vaches ont été distribuées. Et par le biais des chaînes de solidarité, ces vaches se sont multipliées. Nous avons actuellement plus de 4500 têtes au niveau provincial avec une production laitière très satisfaisante. Des centres de collecte ont été installés.
Cest vraiment un honneur de voir des camions type citerne transporter du lait vers Bujumbura pour sa transformation. Même ici, des unités de conservation et transformation du lait existent. Exemple de lusine Mpamata, sise à Rukeco.
Ce programme sest clôturé, mais le gouvernement nous a promis quil y a un autre programme qui va bientôt prendre la relève.

Dans ce même domaine, le gouvernement a introduit le système de stabulation permanente. Pas dobstacles, de défis dans sa mise en application ?

Vraiment, nous navons eu aucun problème. Car, la pratique était déjà en vogue à Ngozi depuis les années 2010, 2011. Seulement, il ny avait pas de lois. Cétait en fait une décision provinciale.
Certains éleveurs avaient déjà adhéré à cette pratique mais on navait pas de base légale pour punir les récalcitrants. Alors, quand il y a eu une loi en rapport, cela a été une opportunité dentraîner ceux qui hésitaient encore. Et la réussite est totale.

Cependant, les bouchers et les rôtisseurs se lamentent comme quoi vous avez interdit labattage des vaches. Pourquoi ?

Cest une mesure temporelle que nous avons prise. En effet, nous avons constaté quil y a une maladie bovine non encore identifiée. Alors, nous avons arrêté la commercialisation des vaches. Et ce, pour limiter les transmissions de cette maladie.
Nous avons même reçu des experts du ministère de lenvironnement, agriculture et élevage. Ils ont pris des échantillons pour aller faire des tests dans des laboratoires afin didentifier cette maladie.

On a besoin de savoir si cest une maladie pouvant même être transmise aux humains. Pour le moment, on sait quelle est très mortelle. Par exemple, dans les deux dernières semaines, nous avons appris que sur la seule colline de Rugori, il y a eu 14 vaches mortes.
Cest vraiment une grande perte pour les éleveurs. Et ce nest pas sur cette seule colline. Nous espérons que dici peu, ces experts auront déjà identifié cette maladie et trouver une solution adéquate.

Dans beaucoup de provinces, on constate que les caféiculteurs se désintéressent de plus en plus du café. Quen est-il à Ngozi ?
Ce que vous avez constaté ailleurs, je dirais que cest la même situation ici. Cest vrai, les caféiculteurs ne sont plus motivés. Mais, comme administratif, nous continuons à sensibiliser la population afin quelle renouvelle leurs vergers et même planter de nouveaux plants. Et cela donne des résultats positifs.

Par exemple, des coopératives des communes Marangara, Kiremba, Nyamurenza ont beaucoup planté des nouveaux plants. Nous sommes en train dinstaller des grandes plantations de lEtat sur la colline Mukinya. Pour cette année, nous nous attendons à une production satisfaisante comparativement aux cinq dernières années.

Existent-elles dautres cultures dexportation à Ngozi ?

Nous sommes en train dexpérimenter une autre plante appelée millet. Nous avons déjà cinq hectares comme champ dexpérimentation. Nous sommes aussi en train de planter beaucoup davocats. Car, on a déjà découvert des marchés en Tanzanie, en Ouganda, etc.

Vous avez signalé que la production agricole est bonne. Est-ce facile de trouver des marchés par exemple ces populations frontalières avec le Rwanda ?

Les agriculteurs nont pas de problèmes de marchés découlement. Ils écoulent dabord sur les marchés locaux parce que chaque commune a au moins un marché moderne. Dautres quantités en pommes de terre, en maïs, en haricot, etc, vont dans dautres provinces, vers Bujumbura et Gitega.

Pour ceux qui se trouvent sur la frontière, vous savez que nous venons de passer plusieurs années avec des mauvaises relations avec le Rwanda. Quon ne se le cache pas, avant, des échanges commerciaux étaient intenses entre les Burundais et les Rwandais. Mais, les Burundais doivent exploiter les marchés de lintérieur du pays. Car, officiellement, la frontière est fermée.

Pas des échanges clandestins ?

Cest vrai, tous ceux qui se trouvent à la frontière ne sont pas tous honnêtes. Il y en a qui essaient de traverser clandestinement avec tel ou tel autre produit. Cest surtout le café. Nous continuons à les sensibiliser afin dabandonner ces tricheries et attendre la réouverture de la frontière.

Mais, des récalcitrants sont encore là. Dernièrement, nous avons puni quelques-uns parce quils ont été attrapés en train découler le café vers le Rwanda. Dautres y vendent des habits et dautres produits. Mais, nous essayons de veiller pour les remettre en ordre.
Comment expliquer des mendiants soient nombreux dans les rues de Ngozi alors que vous dites que la production agricole est bonne ?
Cest vraiment une triste réalité. Mais, cest lié à plusieurs facteurs. Des cas où des enfants deviennent orphelins et se retrouvent le lendemain dans la rue, des enfants ingérables dans les familles, des proches des orphelins qui détournent lhéritage parental, etc. Et ce nest pas seulement à Ngozi. Cela se manifeste dans dautres provinces même dans les grandes villes comme Gitega et Bujumbura.
Cela ne signifie pas nécessairement quils ont manqué à manger dans leurs familles. Nous réaffirmons que la production est bonne à Ngozi, il ny a pas de faim. Nous venons de passer plusieurs années sans attendre des gens qui fuient suite à la famine, de cas de sécheresse.

Seulement, il y a une sorte de mauvaise habitude de mendier quon ne peut pas lier avec la famine ou la faim. Globalement, à Ngozi, les gens ont à manger en suffisance.

Quid du secteur éducatif ?

Globalement, la situation nest pas mauvaise. Mais, des problèmes liés au manque des bancs pupitres, des manuels scolaires, insuffisance des enseignants existent.
Des enfants sont nombreux et les classes sont insuffisantes. Mais, avec les parents, la direction provinciale de lenseignement, les natifs, nous sommes à luvre pour trouver des solutions.

Comment ?

En mars, on sest fixé un objectif de résoudre dabord la question liée au manque de bancs pupitres dici décembre 2022. Chaque commune doit avoir résolu la question des bancs pupitres.
Car, nous avons constaté quils ont des plantations communales, des menuisiers, des natifs capables de contribuer pour la main duvre. Encore, nous avons réalisé que chaque commune peut grignoter sur les taxes communes pour payer la main duvre.
Nous avons alors recommandé aux administrateurs décrire aux chargés de la protection de lenvironnement pour demander lautorisation de couper les arbres.
Et beaucoup des communes ont déjà commencé. A Marangara, ses natifs ont récemment contribué 12 millions BIF pour ce projet. Nous sommes en train de rassembler les données sur le manquant des bancs pupitres.

Quid du manuel scolaire ?

Après ce chantier des bancs pupitres, on va alors entamer la question des manuels scolaires, des livres. Cest malheureux de voir des enfants arriver à un stade de passer des tests nationaux sans avoir jamais eu loccasion de lire un livre dun tel ou tel autre cours.

Et là, comment allez-vous procéder pour y arriver ?

Par chance, la RPP (Régie des productions pédagogiques) a installé son antenne ici. Les communes vont établir des contrats avec la RPP afin que des enfants aient des livres.
Concernant les enseignants, cela incombe à lEtat. Parce quà notre niveau, il ny a pas des lois autorisant le recrutement du personnel enseignant.

En attendant

Nous recommandons de faire recours aux volontaires. Par exemple, en commune Ngozi, on sest organisé de telle sorte quon parvienne à mettre dans la caisse des volontaires 2 millions BIF par mois. Dautres communes ont des stratégies pour donner une émulation aux volontaires.
Et pour améliorer la qualité et motiver les enfants à poursuivre les études universitaires, nous avons recommandé aux administrateurs de prendre en main la question des lauréats des universités.
Ils doivent ouvrir ce quon appelle maisons communales de léducation ou universitaire. Et la commune Marangara a déjà ouvert ces centres à Gitega, Ngozi et Bujumbura. Et dautres communes sont en train de lui emboîter le pas.

Comment se passe-t-il ?
Le constat est quil y a beaucoup denfants qui arrivent à Bujumbura et ne trouvent pas de logement. Ils abandonnent les études. Nous avons alors exigé aux communes de mettre en place un fonds pour leur logement.
Les parents contribuent pour dautres besoins. Je pense que beaucoup ont déjà vu ladministrateur de Marangara apporter des sacs de charbons de bois aux étudiants.

Quelle la part des natifs et de la diaspora dans le développement de votre province ?

Oui, les natifs sont beaucoup plus impliqués. Ils contribuent dans la construction du stade moderne en cours. Dailleurs, un compte pour la diaspora a été créé.

Quel est létat davancement des travaux pour le stade ?

Les travaux avancent normalement. En fait, il y a eu quelques corrections pour pouvoir installer le tapis synthétique promis par la FFB. Elles sont terminées et des experts du FFB sont venus vérifier et nous ont confirmé que les dimensions sont justes.
Actuellement, on est dans la finition en attendant que la promesse soit concrétisée. On est en train dinstaller les toilettes. Et le coût provisoire pour ce stade était estimé à 3,5 milliards BIF. Les réalisations équivalent à 2,8 milliards BIF.

Enfin, quel est votre rêve pour Ngozi

Cest dabord de poursuivre les chantiers en cours comme la construction des stades, des écoles en étages, etc. Nous voulons aussi faciliter le transport des biens et des personnes par la construction dun chemin de fer. Ainsi, les gens pourront sapprovisionner facilement de Dar-Es-Salaam en Tanzanie, Kindu en RDC, etc.

Nous souhaitons aussi mettre nos routes aux normes de la Communauté de l’Afrique de lEst. Nos voies sont encore étroites et pas en bon état. Nous souhaitons installer un parc commercial gigantesque avec des gros entrepôts.

Des pays comme la Malaisie, Indonésie,… ont des gros parcs commerciaux. Oui, nous nallons pas arriver à ce niveau, mais, nous projetons avoir un espace où dautres coins du Burundi viendront sapprovisionner. En effet, le marché de Ngozi devient de plus en plus exigu. Mon rêve ultime, cest dinstaller une zone économique spéciale à Ngozi.