Burundi
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Région Centre/Gitega : Le commerce presque paralysé

Depuis que la mesure de changer les billets de dix mille et cinq mille est entrée en vigueur, les commerçants et les clients broient du noir. Les premiers ne peuvent plus payer les fournitures et les seconds n’acceptent pas facilement les anciens billets. En attendant les spéculateurs entrent dans la danse.

Depuis lundi 12 juin, les banques et les microfinances ne désemplissent pas. Depuis 5h du matin, les files d’attente sont très longues. Pour sortir, il faut jouer les coudes pour se frayer un passage dans cette foule immense.

Les travailleurs de ces institutions sont débordés. Selon eux, ils sont dans des situations délicates et sont à bout des nerfs.

Ils ont du mal à expliquer aux gens très âgés qui viennent de loin et qui sont devant l’entrée depuis le matin qu’ils ne peuvent pas échanger leurs vieux billets par manque de liquidité dans les caisses.

« Beaucoup pensent que nous ne faisons pas notre travail mais nous rentrons épuisés énormément. C’est du jamais vu depuis que je suis engagé ici », déplore une femme qui travaille à la Coopérative d’épargne et de crédit de Gitega.

Selon cette mère de famille, elle a été sommée d’interrompre son congé pour venir appuyer le personnel de cette coopérative. Elle estime qu’il fallait le triple du personnel et autant de billets de banques pour satisfaire tout ce monde. Quant à la population, la situation est plus grave.

Les fonctionnaires ne peuvent plus retirer leurs salaires en entièreté, les commerçants ne sont plus autorisés de déposer la somme qu’ils souhaitent et les anciens billets ne sont plus en odeur de sainteté chez la population. A chaque fois que tu vas au marché, on te demande si tu as les nouveaux billets. Sans eux, on rentre bredouille.

« J’ai voulu acheter deux kilos de riz mais voilà le vendeur refuse de prendre mon argent sous prétexte qu’il n’a pas les billets de petites coupures pour me donner le reste. Ces dix jours nous paraissent une éternité », fulmine Jacqueline.

Et Etienne d’abonder dans le même sens. D’après lui, les billets de dix mille et cinq mille ont déjà reçu un nom péjoratif, « ibizebiya », en mémoire d’une prophétesse d’une secte religieuse bannie au Burundi. « Dans les bars, les boutiques, les restaurants, tu dois les consommer tous sous peine de revenir le lendemain demander le reste. Partout, on dit « je n’ai pas de quoi te remettre »»

Les commissions s’installent partout

La situation la plus spectaculaire a été observée ce lundi 12 juin au marché du bétail de Rutegama à Gitega. Beaucoup de vendeurs et acheteurs de vaches et de petit bétail qui viennent avec des liasses de billets de 10 mille et 5 mille BIF en ont connu à leurs dépens.

Par peur de recevoir ces billets dont tout le monde cherche à se séparer, les vaches et les chèvres se comptaient au bout des doigts. Les hommes étaient plus nombreux que les bêtes et la concurrence était rude.

Pour un petit taureau qui se vendait à 600 mille BIF, le marchandage commençait à 1 million de nos francs. Motif : ces billets ne valent plus grand-chose chez beaucoup d’éleveurs et commerçants. Un ancien billet de 10 mille est évalué à 9 mille.

Comme ils l’indiquent, le temps d’aller camper devant les banques et micro-finance équivaut à ces commissions qu’ils veulent à tout prix percevoir.

« Tu acceptes le prix ou tu dégages, c’est le business. Les bouchers nous affirment qu’ils ont du mal à retirer et déposer de l’argent sur leurs comptes et nous risquons d’accepter les billets qui ne serviront à presque rien », expliquent un homme et sa femme qui amenaient leur vache au marché tout en précisant qu’ils ont connu cette astuce de la part des convoyeurs de bétail venus de Cankuzo.

« Ceux qui ont encore beaucoup de cash en anciens billets cherchent à les investir dans les vaches et les chèvres. Dans ce cas, soit nous acceptons les risques en haussant le prix ou nous ramenons notre bête à la maison », ajoutent-ils.

Quant aux bouchers et autres acheteurs, ils devront se conformer à la réalité du marché. Selon eux, comme les bêtes sont moins nombreuses, ils doivent subir la loi du marché. « Que faire ? Parfois je les comprends parfaitement dans la mesure où l’échange est difficile. La faute incombe aux banques qui ouvrent alors qu’elles ne sont pas capables de satisfaire toutes les demandes », tempère un boucher de la ville de Gitega.