Burkina Faso
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Tribune | « Tentative de coup d’État au Burkina : Tant que l’armée sera politisée… » (Cbs L’iconoclaste)

Ceci est une tribune de Cbs L’iconoclaste, écrivain chroniqueur, sur l’actualité nationale.  

Rarement le mois de septembre n’aura autant tenu en haleine l’opinion à travers « l’ébullition » latente du landerneau politique burkinabè, tant le ciel politique semblait nuageux et sentait le roussi durant cette période. Et il suffisait de suivre les médias et les réseaux sociaux pour s’en convaincre.

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Ce, au point que le capitaine-président Ibrahim Traoré fut obligé de sortir la grande opération de communication à travers une apparition publique en compagnie du capitaine Oumarou Yabré, Directeur général (DG) de l’Agence nationale de renseignement (ANR) ; apparition où les deux capitaines ont soigné leur gestuelle et esquissé des sourires en guise d’expression de l’embellie au sommet de l’État et de pied de nez à l’endroit de ceux qui seraient les oiseaux de mauvais augure qui jouent les Cassandre en carillonnant çà et là l’évangile de la désaffection du climat au sommet de l’État. 

Puis, s’est ensuivie la sortie du porte-parole du MPSR 2, le capitaine Farouk Sorgho, qui s’est fendu en ces termes le 15 septembre : « Ils sont en complicité avec des chancelleries étrangères… Pour pouvoir nous déstabiliser, il faut créer des mensonges. Ils ont leur plan… C’est vraiment une manœuvre des impérialistes ».

La messe était ainsi dite ; la bataille de la communication entre les parties en présence sera sans merci et à la Pyrrhus. Pour les fins observateurs de la scène politique, l’annonce par le gouvernement d’un coup d’Etat déjoué dans la nuit du 26 septembre 2023 n’a absolument rien de surprenant à condition que l’on soit un analphabète politique.  

Le 8 septembre déjà, l’opinion apprenait à travers le communiqué du parquet près le tribunal militaire de Ouagadougou, l’interpellation de « trois militaires » pour tentative « de déstabiliser la conduite de la transition ». Bien avant, c’est le ministre de la Défense, Kassoum Coulibaly, qui nous informait qu’« après le coup d’Etat (au Niger), nous avons eu cette chance d’avoir des retours d’informations de ce qui se passait vraiment, pour savoir qu’il y a des gens qui étaient payés gracieusement pour mener des attaques au Burkina ». Et bien malin est celui-là qui saura dissocier ce projet d’attaques de celui de la déstabilisation de la transition.

Sans oublier la sortie du ministre de l’Administration territoriale, Émile Zerbo, informant le 31 août, la présence « d’étrangers sur le territoire national avec des soutiens nationaux » dans le but « de déstabiliser la transition en cours ». Par la suite, le mercure politique a continué à monter sur les réseaux sociaux où communicants et anti-communicants de la transition relayaient la fuite de proches collaborateurs du DG de l’ANR qui auraient été soupçonnés de vouloir déstabiliser la transition. 

Et comme il n’y a pas de fumée sans feu, c’est une note de nomination du nouveau Directeur général adjoint de l’ANR démettant ainsi l’ancien de ses fonctions qui interviendra avec un parfum de confirmation de ce qui était relayé. Bref, la liste est longue. C’est dire qu’il semblait avoir de l’eau dans le gaz à quelque part et que petit à petit, le cocktail devenait explosif.

En conséquence, l’annonce du projet du coup d’Etat déjoué, de l’interpellation « des officiers présumés impliqués » et de la recherche « d’autres acteurs » sonne comme la fin de la latence de ce qui se couvait dans le pays. 

Le président Traoré est lui-même bien conscient de la situation

L’affaire de ce projet de coup d’Etat avorté est suffisamment illustrative du refus d’une partie de l’armée de s’éloigner de la chose politique, tels de verts pâturages qui attirent sans cesse des animaux.

L’affaire achève de convaincre si besoin en était encore, que notre armée n’a pas encore fini de réaliser sa mue espérée en termes de cohésion en comportant en son sein des brebis galeuses et que le président Traoré doit mettre les bouchées doubles pour davantage de cohésion au sein de la grande muette.

Ce qui ne sera pas du tout une sinécure quand on sait que depuis 1966 à nos jours, notre armée a pris goût au pouvoir qui a été pratiquement, des indépendances à nos jours, entre les mains des hommes de tenue.

Il s’impose donc une véritable cure de déconnexion de l’armée du politique qui passe en partie notamment par la prise de conscience individuelle du fondement même de l’armée et la résistance aux chants des sirènes politiques qui ont parfois tiré les ficelles pour provoquer cette irruption de la grande muette dans l’arène politique. Et les évènements d’octobre 87 en sont illustratifs

Dans tous les cas, le président Traoré est lui-même bien conscient de la situation ; lui qui lors de sa rencontre avec les hommes politiques avait martelé ceci : « L’armée a été politisée, elle a quitté même son fondement. Il faut avoir le courage de se le dire ; l’armée a été infiltrée et chacun agit en fonction de certains bords politiques. Nous combattons et nous observons depuis très longtemps »

Avant d’ajouter qu’« à un moment donné, on a eu espoir que ça va cesser, notamment avec les évènements du 24 janvier. Mais ça n’a pas cessé et ça continue ». Et le récent projet du coup d’Etat manqué montre à souhait que les coups d’Etat demeureront tant que l’armée sera politisée ou instrumentalisée à travers des officines internes ou extérieures. Croisons donc les doigts et espérer l’union sacrée du corps que le peuple appelle de tous ses vœux pour faire face à l’ennemi terroriste qui endeuille la nation.

Aujourd’hui, plus que jamais, le président Traoré doit être sur le qui-vive car la déstabilisation de la transition sera la tasse de thé quotidienne de ses détracteurs internes et externes. On ne dirige pas un pays en amorçant une telle rupture de gouvernance, avec la métropole à dos, pour espérer un fauteuil douillet à Koulouba à l’abri des coups de Jarnac des pêcheurs en eaux troubles.

Tous les dirigeants francophones qui ont eu la hardiesse de vouloir se libérer du joug de la métropole en ont toujours souffert. La junte au pouvoir saura-t-elle anticiper ? Tout porte à le croire, d’autant plus que dans le discours du président Traoré prononcé la semaine dernière à l’ONU, il a été révélé que des « tentatives de coups d’Etat sont en élaboration » actuellement contre la transition dont les faits montrent qu’elle devra son succès à son peuple qui assure la veille.

Finalement, avec les derniers développements marqués par l’annonce du coup d’Etat déjoué au lendemain de la suspension de Jeune Afrique par le gouvernement burkinabè, on reste tout de même intrigant face à la coïncidence troublante entre l’information du journal selon laquelle il y a « des tensions dans les casernes » et l’annonce du coup d’État déjoué intervenue 2 jours après cette information

Une chose est sûre, le président Traoré devait s’attendre à ce que ses contempteurs essaient de mettre du sable dans le couscous de l’an 1 de son arrivée au pouvoir, à l’image du lépreux qui renverse la calebasse des convives pour jouer les trouble-fêtes. 

Cbs L’iconoclaste

L’écrivain chroniqueur 

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