Guinea
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Procès sur les atrocités de 2009 : "Tous ceux qui seront dénoncés doivent répondre…", dixit Me DS Bah

CONAKRY-Le procès sur les exactions commises au grand stade de Conakry le 28 septembre 2009 se poursuit en Guinée. Depuis le début, huit accusés dont Toumba Diakité, Claude Pivi, Moussa Thiegboro Camara, Abdoulaye Chérif Diaby ont déjà comparu à la barre du tribunal criminel de Dixinn. Celle de Dadis Camara a été renvoyée au 12 décembre pour des raisons de santé.

Votre quotidien en ligne, a interrogé Me Alpha Amadou DS Bah, avocat de la partie civile sur le déroulé du procès historique. Dans la seconde et dernière partie de l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, l’avocat aborde les défis de ce jugement. A savoir les menaces sur les victimes et leurs corollaires, ainsi que les nouvelles inculpations. Entretien exclusif.

AFRICAGUINEE.COM : Des membres du ministère public font l’objet de menaces, sans oublier les victimes aussi.  Cela ne risque-t-il saper la sérénité du procès ? 

MAITRE ALPHA AMADOU DS BAH : Nous on s’attendait quand-même à ces genres de menaces, parce que depuis 13 ans moi je suis dans ce dossier. Je sais à peu près comment l’instruction s’est déroulée. Mais le plus important, c’est la détermination des acteurs. Il y a les victimes qui sont déterminées à aller jusqu’au bout. On ne peut pas se décourager ou avoir peur de continuer ce procès. Dans tous les cas, il y a une nouvelle loi qui a été votée pour protéger les victimes, les témoins et les personnes à risque.

Au cours de ce procès, nous attendons la mise en œuvre de cette loi. Parce qu’il y a des dispositions pratiques qui sont prévues par cette loi, qui est de la responsabilité du gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de la justice. Nous attendons que les dispositions soient appliquées pour que les personnes à risque et les témoins puissent être protégés, aussi tous les acteurs.

Un avocat a déjà été suivi à deux reprises par des gendarmes, nous prenons ça très au sérieux. Nous avons aussi des dispositions que nous appliquons en pareille situation, en collaboration avec la FIDH, que je ne vais pas dévoiler ici. Ce sont des dispositions basiques qui sont déjà mises en œuvre. Nous attendons du gouvernement que les dispositions qui sont prévues par cette nouvelle loi puissent être appliquées pour que les parties civiles puissent participer sereinement à ce procès. Parce que la participation effective des parties civiles est aussi l’un des défis majeurs de ce procès.

Les victimes veulent savoir qui a donné l’ordre d’aller massacrer les manifestants. Qui a donné l’ordre d’aller violer les femmes ? Qui a donné l’ordre de les séquestrer, de les violer… ? Toutes ces questions doivent être répondues mais dans la sérénité pour que les parties civiles puissent effectivement participer à ce procès.

Certes, les autres accusés ont adopté la même stratégie de défense : la négation systématique. Cependant, l’ex ministre de la santé a dit de choses intéressantes en admettant qu’il y a effectivement eu des viols et qu’il a vu des corps. Est-ce que cela ne vous réconforte pas vous en tant que partie civile ?

Il y a eu un massacre, ça, il est indéniable, puisque, eux-mêmes, ils ont dénombré 54 corps qui ne constituent que peut-être le ¼ des chiffres réels. Cela était de la responsabilité du gouvernement. Maintenant ils refusent de reconnaître qu’ils sont les commanditaires des tueries. La question qui se pose est celle de savoir, est-ce que les accusés qui sont à ce procès, sont les responsables de ces tueries ? Et c’est là où il y a le problème, parce qu’ils réfutent toutes les preuves qui s’accumulent contre eux, et ils se lancent la balle, c’est comme s’il y a eu des tueries mais eux, ils ne sont pas responsables. Mais quand on connaît le rôle de chacun, ses responsabilités au moment du CNDD et au moment des faits, moi je pense que le moment venu, le tribunal se fera sa propre religion. Ils ne peuvent pas, à travers des subterfuges, essayer de se dédouaner de ce qui s’est passé au stade le 28 septembre et les jours qui ont suivi.

Monsieur Abdoulaye Chérif Diaby a formellement été identifié par des médecins, par des victimes, par des témoins même par des hommes en uniforme, pour avoir donné des coups de pied, injurié les blessés qui étaient à l’hôpital. Ensuite, pour ce qui de la disparition des corps, nous avons également des preuves concrètes de son implication présumée dans cette disparition sans compter Claude Pivi, Tiégboro et autres. Le moment venu, les preuves vont être présentées au tribunal et nous pensons que ces preuves-là suffiront largement pour les confondre et entrainer les condamnations. Dans tous les cas, ils sont présumés innocents jusqu’à ce que leurs culpabilités soient établies. Mais nous pensons qu’ils sont les auteurs et commanditaires de ces tueries.

Comment appréciez-vous la conduite des débats de part du tribunal ?

Je pense que les magistrats sont à la hauteur. Ils ont répondu présents à ce rendez-vous historique. C’est une première dans notre pays. Et le président se distingue par la sérénité de sa conduite des débats. La défense a tenté à plusieurs reprises de le déstabiliser mais il est resté serein et professionnel. Je pense qu’il mérite ce poste de président à ce procès. Nous, nous attendons que cela se poursuive pendant tout le procès et nous espérons que cela va se faire et que ce procès-là va être une réussite pour le pays.

Quelles sont vos attentes à la suite des débats ?

Que les débats se poursuivent sans interruption. Que les témoins qui ont été cités comparaissent. C’est la pierre angulaire de ce procès. Si les témoins comparaissent effectivement, si les personnes à risque sont protégées…, je pense que ce serait une grande réussite, parce que le défi majeur de ce procès, c’est aussi qu’il soit un procès juste et équitable à l’égard de tous. Les droits de la défense sont sacrés ainsi que ceux des parties civiles. C’est en cela que le tribunal doit veiller au respect de tous les droits de toutes les parties au procès.

Est-ce que le fait qu’on commence à toucher certains responsables des autorités actuelles ne risque pas de constituer un obstacle quant à la sérénité du déroulement des débats dans les prochaines semaines ?

C’est cela le défi aussi. Parce qu’il ne faudrait pas qu’il y ait de la sélection dans la conduite du procès. Dès lors que des personnes sont en train d’être inculpées, même si elles sont dans le rouage du pouvoir, il faudrait que la justice soit suffisamment indépendante pour investiguer. Le colonel Mamadi s’est engagé dans cette logique, le ministre de la justice également.

Je pense que les personnes qui seront dénoncées dans cette affaire, quelque soient leurs rangs, doivent rendre compte de leurs crimes devant la justice. Donc il n’y aura pas deux poids deux mesures ! Qu’ils soient ministres, hauts-commandants ou acteurs majeurs de la vie politique, il faudrait que la justice soit appliquée à tous parce que nul n’est au-dessus de la loi.

Fin !

Interview réalisée par Dansa Camara DC

Pour Africaguinee.com