Guinea
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Route Labé-Dakar : bienvenue dans l’enfer de Fello Sita…

LABE- Sur la route régionale Labé-Madina Gounass, le chaînon non bitumé situé entre la sous-préfecture de Thianguel Bori (Lélouma) et celle de Komba (Gaoual) est dans un état de dégradation très poussé. Ce tronçon surnommé les « 25 kilomètres d'enfer », arpente la chaine de montagne de Fello Sita.

Cet axe d’une vingtaine de kilomètres se trouvant sur route internationale Labé-Sénégal est le seul point noir non goudronné.  Cette route qui favorise les échanges commerciaux a une importance capitale. Mais de nos jours, le niveau de dégradation de ce chaînon a atteint un seuil inquiétant au point que ça affecte le transport et le commerce transfrontalier.

Des camions remplis de marchandises, des petites voitures de transports sont bloqués. D’autres sont en panne embourbés dans la boue. Le calvaire des usagers coincés depuis des jours est indescriptible. Tout leur manque : eau, manger, abris…bref le minimum vital n’y est pas. A la tombée de la nuit, ils dorment à la belle étoile le ventre creux, exposées aux intempéries et aux reptiles, bestioles, sans couvertures. L’atmosphère est saisissante. Bienvenue dans l’enfer de Fello Sita.

Si certains habitants des localités environnantes viennent assister les transporteurs à se frayer un chemin en contrepartie d’une somme d’argent, d’autres par contre essayent de réparer les parties les plus dégradés. Ils creusent des canaux d’évacuation de l’eau tout en mettant des blocs de pierre dans certains trous béants. Les usagers ne manquent pas d’imagination et d’ingéniosité. Pour fermer les nids d’éléphants visibles çà et là, ils mettent des blocs qu’ils cassent avec des marteaux, ensuite, ils mettent du charbon pour sécher la boue.

« Ici c’est Fello Sita, ça fait 5 jours que nous sommes là, la route n’est pas du tout bonne. Nous sommes bloqués ici indépendamment de notre volonté, l’Etat ne nous aide pas pourtant nous payons nos taxes, les vignettes et les assurances.  C’est une route internationale qui relie plusieurs pays à la Guinée. On demande au colonel Mamadi Doumbouya de trouver une solution…on souffre. Nous sommes là depuis cinq jours sur une distance de 26 kilomètres, on n’arrive pas à Thianguel Bori. Je suis tombé en panne, lorsque j’ai forcé pour traverser cette boue. De Dakar à Koundara, il y’a le bitume, la route est bonne. Mais à Komba ici il y a vraiment un véritable combat. Rien n’est bon. Des camions, des voitures, des centaines de passagers sont bloqués de part et d’autre. La souffrance est à son comble », dénonce Souleymane Barry, apprenti chauffeur.

Abdoul Rahim Diallo, lui aussi est tombé en panne dans sa quête de chemin. En plus d’une crevaison, le réservoir de sa voiture s’est percé sur les blocs de pierres.

« Notre voiture est tombé en panne à cause du mauvais état de la route, nous avons beaucoup souffert. Lorsqu’on allait à Gaoual, nous avons trouvé un camion qui a chuté sur la colline un peu en haut, nous avions eu du mal à passer. A notre retour aussi nous avons trouvé que les remorques ont bloqués le passage. La route est complètement gâtée. Nous avons voulu trouver un passage, notre véhicule est tombé en panne. Nous avons enregistré la crevaison d’un pneu, comme la voiture est petite, les cailloux ont percé le réservoir, nous cherchons à réparer cela », témoigne cet autre chauffeur.

Ce n’est pas seulement les transporteurs qui souffrent sur cet axe. Les passagers aussi sont frappés de plein fouet. Ils passent la nuit à la belle étoile, exposés aux intempéries.

« Nous sommes en provenance de Kounsitel pour Koïn, nous avons bougé avant hier pour rentrer chez nous mais, faute de route nous sommes bloqués ici, nous avons emprunter un Car. Depuis trois jours, nous sommes sur cette route sans manger et boire convenablement. C’est vraiment un calvaire. Nous sommes avec une femme, elle passe la nuit dans la voiture et nous les autres nous nous débrouillons ailleurs pour dormir…Nous sommes exposés aux moustiques et à la fraicheur. Nous n’avons ni nattes, ni couvertures. C’est mon Lafa (gros bonnet) que je tire sur la figure pour la protéger jusqu’au matin » se lamente ce quadragénaire.

Maitre Mamadou Mouctar Yéngué Bah, chauffeur d’un camion remorque est d’une branche syndicale du secteur des transports. En provenance de Dakar pour Conakry, il a déjà fait quatre jours sur ce point périlleux. Il ne manque pas d’ingéniosité.

« Certains camions qui étaient bloqués ici avaient chuté dans les ravins. Nous avons pu relever ceux qui étaient par terre, et faciliter le passage à ceux qui étaient bloqués. Nous venons de cotiser de l’argent pour acheter des chargements de blocs de cailloux que nous sommes en train de déposer pour rendre praticable la route. Nous achetons aussi du charbon, si un camion s’embourbe nous mettons le charbon au niveau des pneus pour le tirer de la boue, chaque camion qui passe nous assiste pour tirer un autre », explique ce syndicaliste.

Depuis ce tronçon de l’enfer s’est coupé, les annonces ne manquent pas. Le ministre des travaux publics Yaya Sow aurait été informé, mais visiblement les solutions proposées sont loin de combler les attentes des usagers bloqués.

« Nous avons remonté l’information à nos supérieurs, ils nous ont dit que le ministre allait voir comment réparer cette route mais les difficultés augmentent. Même hier matin, des chinois sont venus ici nous promettre qu’ils viendront nous aider, mais nous n’avons vu personne, on a jugé nécessaire de continuer notre travail pour nous tirer de ce guêpier. Nous mettons les blocs de pierres que nous cassons avec des marteaux, ensuite nous mettons du charbon, mais quand la pluie vient elle emporte tout. Depuis Komba jusqu’à Sita et Dala, la route est complètement coupée en deux. On avait assez de difficultés sur la route de Boké, certains camions sont bloqués là-bas nous avons décidé d’emprunter cette route, mais actuellement là aussi, c’est pire.  Nous souffrons énormément » dénonce ce transporteur routier.

Dans ce scenario catastrophe, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Samba Koulibaly utilise un tricycle chaque jour pour amener des dizaines de sacs de charbons qu’il revend aux transporteurs qui s’embourbent sur cette route. Il fixe le prix du sac à sa guise en fonction de la distance.

« Nous envoyons le charbon ici parce qu’il a un avantage, s’ils mettent le charbon, les voitures pourront passer car la route est très mauvaise. Si on cure un peu la boue, ensuite on met du charbon, la route va sécher pour que les camions passent. A Komba, c’est à 25 mille mais comme nous payons du carburant pour amener le charbon ici, nous le revendons à 30 mille, nous sommes d’accord avec eux pour ce prix. Ça s’écoule un peu pour le temps qu’ils sont là. Hier je suis rentré avec presque tous les sacs de charbon que j’ai envoyé mais aujourd’hui j’ai vendu 5 sacs d’abord, on envoie le charbon seulement quand la pluie tombe. Chaque année c’est le même calvaire que les usagers de cette route rencontrent ici. Il n’y a pas longtemps 5 camions chargés d’huile de palme sont tombés ici. Ils ont mis plus de cinq chargements de blocs, ça n’a pas marché, maintenant on mélange le charbon pour faciliter le passage » précise-t-il.

Parmi les camions bloqués sur cette colline de Sita, certains sont chargés de produits halieutiques, d’alimentation et du bétail. En plus des tracasseries policière et douanière, les convoyeurs subissent d’énormes pertes.

« Depuis hier à partir de 15 heures nous sommes là, on a trouvé des camions qui sont en panne devant. Il y a plus de 20 remorques qui sont derrière nous. C’est cette difficulté qu’on a pour le moment, nos animaux n’ont pas manger, même nous actuellement. Là, nous sommes en train de couper des feuilles d’arbres pour les faire nourrir. Je lance un appel au gouvernement guinéen, surtout le Colonel Mamadi Doumbouya pour nous aider à ce que ce tronçon entre Komba et Thianguel Bori soit bitumé parce qu’on a trop souffert sur la route là. C’est un tronçon d’une vingtaine de kilomètres non goudronné, mais chaque c’est l’enfer total pour les usagers.

Certaines bêtes commencent à s’affaiblir. Nous avons déjà enregistré deux morts pour le moment. On ne sait pas qu’est-ce qui va nous arriver demain. En cours de route aussi, vers le poste de gendarmerie de Kounsitel, ils nous réclament chaque camion a 100 mille francs. Ça c’est trop, on a tous les documents avec nous… En rentrant à Thianguel Bori, il y’a un autre poste de contrôle. Là-bas, eux aussi nous réclament 50.000 Gnf. On ne voit pas où est passé cet argent là parce qu’on n’a pas de route », dénonce Moussa Diallo convoyeur de bétail. Plus d’une vingtaine de camions étaient bloqués sur cet axe lorsque nous quittions les lieux.

Nous y reviendrons !

Thierno Oumar Tounkara  

Envoyé spécial d’Africaguinee.com

Tel : (+224) 622 245 633