Gabon
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[Interview] «Tout est à refaire !» : le bilan accablant des politiques agricoles gabonaises par Hervé Omva

Hervé Omva, le coordonnateur des programmes de l’ONG IDRC Africa, brise le silence après un an de fuite loin de son pays, des réseaux sociaux et du domaine agricole de Bolokoboué. Depuis sa nouvelle destination d’exil en Zambie, il révèle les raisons de son départ du Gabon, évoque sa vision de l’agriculture, et critique sévèrement les programmes agricoles précédents dans son pays d’origine. Il se porte volontaire pour collaborer avec les nouvelles autorités du Gabon, proposant des solutions pour redresser le secteur agricole et relancer la croissance nationale.

Le coordonnateur des programmes de l’ONG IDRC Africa, Hervé Omva, dans sa plantation en Zambie. © D.R.

Gabonreview : Un an déjà, plus précisément depuis août 2022, que vous êtes porté disparu des réseaux sociaux et de votre domaine agricole de Bolokoboué. Où êtes-vous retranché et pourquoi ce silence ?

Hervé Omva : Oui, effectivement depuis août 2022, j’ai pris des distances avec mon pays, le Gabon, d’abord à cause des menaces contre ma personne du fait de mes prises de position sur la gestion du Gabon, mais surtout de mes différentes interpellations par rapport au niveau de pauvreté grandissant dans notre pays, et cela, malgré des cas avérés de détournement et un niveau de corruption incroyable et même légitimé. Nous vivions dans la peur à cause de l’injustice et le mensonge qui s’étaient substitués à la vérité. Cette situation m’étouffait et, pour l’homme libre que je suis, il n’y avait pas une autre solution si ce n’est partir…Oui, partir en laissant ma famille, ma terre et des années de travail.

Qu’est-ce qui justifie le choix de votre destination d’exil au détriment du Gabon qui souffre gravement aux phénomènes de l’insuffisance et de l’insécurité alimentaire ?

Hervé Omva. © D.R.

Je reste convaincu que c’est Dieu et les ancêtres qui ont été les maîtres du choix de ma destination. Le Gabon ne souffre pas de l’insuffisance alimentaire. Je dirais que le peuple gabonais était pris en otage par des personnes aux comportements hautement obscurs qui avaient décidé de réduire la population gabonaise à l’extrême mendicité pour anéantir tout espoir d’épanouissement.

Je suis en Zambie et j’ai découvert un pays travailleur, un pays ou en moins d’une année, je traduis en acte mes rêves… Ici, l’agriculture est au centre de la vie, le Zambien est né agriculteur et éleveur. Le secteur agricole en Zambie a atteint un niveau de développement inimaginable. Ici, je conduis un programme (blé, soja, maïs, pomme de terre, bovin, aviculture et fertilisants) qui se chiffre à plusieurs millions de dollars USA. Je n’avais jamais espéré gérer un programme agricole d’une envergure aussi importante tant sur le plan humain (plus de 900 acteurs impactés), une logistique incroyable et de millions de dollars d’investissement qui me permettent aujourd’hui de produire en milliers de tonnes de maïs, blé, soja, pomme de terre, tomate et de nombreuses spéculations… Avec le budget que j’ai ici, je révolutionne le secteur agricole gabonais.

Vous êtes connu comme agripreneur et promoteur du ‘Made in Gabon agricole’. Avec le recul temporel et international, quelle lecture succincte avez-vous aujourd’hui des différents programmes agricoles déployés au Gabon entre 2009 et 2023. Notamment Graine, PAPG1 et 2, Prodiag, PDAR 1 et 2 ?

Dans la situation antérieure de notre pays, aucun programme agricole ne pouvait atteindre ses objectifs. Nous avions à la tête du pays des décideurs en flagrant délit d’incompétence, des criminels. Je vous donne l’exemple de l’Institut gabonais d’appui au développement (IGAD).  Combien d’années d’existence, combien de milliards engloutis, pour quel résultat ? Les fameuses fermes agricoles qui ont coûté au Gabon 9 milliards de francs CFA, un éléphant blanc… Le Programme Graine [Gabonaise des réalisations Agricoles et des Initiatives des Nationaux Engagés – ndlr], que je connais parfaitement, a vu des centaines de milliards aller en fumée. Pourtant les acteurs sont toujours vivants et jusqu’au 30 août dernier occupaient encore de hautes fonctions de la République… Le Prodiag géré par l’Igad, encore un autre gouffre à milliard sans résultat. Le PDAR1 a été un franc succès grâce au management de son coordonnateur, Anicet Serge Abessolo Mba, et c’est du fait de ces résultats que le Fonds international de développement agricole (FIDA) a accepté la phase 2 du PDAR, mais qui est au point mort aujourd’hui et ne verra sans doute pas le jour… Au ministère de l’Agriculture, vous avez une bande de prestidigitateurs depuis près de 15 ans. Ils ont signé un pacte de non-agression entre eux et ils enfument les différents ministres depuis 2009 en détournant les différents budgets.

Au Gabon, il n’y a aucun programme agricole sur le terrain… Comme le dit notre célèbre jeune frère des réseaux sociaux, « Tout est à refaire ! ». Oui, il faut mettre à plat nos fameux agronomes et autres… Comment comprendre que l’État paie chaque mois près de 900 fonctionnaires dont la production est nulle… C’est inadmissible de continuer avec une équipe aussi incompétente et qui porte la poisse.

Le Gabon a, depuis le 30 août dernier, changé de dirigants. Quel en est votre avis ? Seriez-vous prêt à regagner votre pays pour travailler avec le CTRI ?

Souvenez-vous de l’épopée biblique, lorsque le Pharaon avait choisi Joseph comme gouverneur de l’Égypte pendant les années de famine. En ce moment, c’est le cas du Gabon. Nous avons besoin d’un gouvernement qui aura plein pouvoir pour redresser le désordre installé, enraciné et entretenu par de nombreux ex-dirigeants obscurs, égoïstes, injustes et méchants, car notre pays est quasiment agonisant. Nous avons besoin du CTRI pour remettre le Gabon sur la route du travail. C’est un combat difficile qui nécessitera des efforts spirituels, physiques et intellectuels et c’est pourquoi je me porte volontaire dans le processus de mise en œuvre initié par les plus hautes autorités. J’ai des solutions qui cadrent avec nos besoins sociologiques et économiques. Nous pouvons, à court et à moyen terme, faire du secteur agricole un puissant levier de croissance.