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Un «allumé» à Schrassig

Yacine est soupçonné d’avoir bouté le feu à son matelas, à une couette et à un oreiller dans sa cellule.  (photo archives LQ/Isabella Finzi)

Le 11 août 2021, Yacine a mis le feu à sa cellule de prison en réaction à une sanction disciplinaire. Il prétend s’être endormi en fumant un joint et avoir embrasé son matelas.

Yacine, petit bonhomme aux cheveux bruns bouclés, arrive menotté, le sourire aux lèvres, la moustache qui frise et l’air frondeur, au tribunal d’arrondissement vendredi matin, encadré par deux policiers. Dans la salle d’audience, il se montre insolent et perturbe le cours de son procès. Le jeune homme est suspecté d’avoir mis le feu à sa cellule au centre pénitentiaire de Schrassig le 11 août 2021 et d’avoir blessé neuf surveillants pénitentiaires venus éteindre l’incendie. «Ils ont senti la fumée, moi, je l’ai mangée», commente le prévenu.

«Il était couché au sol de sa cellule et n’a pas bougé. C’était une sorte de provocation», raconte l’enquêteur de la police. Le jeune homme paraît instable. En détention préventive depuis le 27 avril de l’année passée, il accumule les rapports disciplinaires pour des bagarres et des comportements inadaptés. Yacine se présente pourtant comme une victime du système, injustement traité. Rebelle, il prétend porter un autre nom de famille et avoir 18 ans, pas 26 comme l’ont confirmé une expertise médicale et les autorités algériennes d’où le prévenu est originaire.

«Le reste, c’est tout des mensonges», prétend le prévenu à la barre de la 13e chambre criminelle. Le feu a été bouté à trois endroits différents dans la cellule 110 du bloc A, selon l’enquêteur. Yacine dit s’être endormi sur son lit alors qu’il avait fumé un joint au haschisch. Une brûlure au bras l’aurait réveillé. «J’ai pris le matelas et le drap pour essayer de les mouiller. J’ai sonné l’alarme et ouvert la fenêtre. Après, je suis tombé», raconte le détenu. Une version des faits qui ne correspond pas à celle de l’enquêteur.

«On me cherche, je réponds»

Le policier a indiqué que le jour des faits, Yacine devait être transféré dans une cellule disciplinaire sous surveillance vidéo. Sur 18 mois de prison, il en a passé 11 au cachot. Un psychologue était venu le calmer avant que le service d’intervention ne l’y emmène. Le jeune homme aurait agi dans l’intervalle. «Les détenus peuvent fumer dans leurs cellules», explique le policier. «Il faut plus qu’une cigarette pour que le matelas prenne feu.»

«On me cherche, je réponds. Je suis obligé de me défendre sinon on me mange», se justifie le prévenu qui tente de passer pour un incompris qui ne fait jamais rien de mal. La présidente lui rétorque que «beaucoup de gens ont l’air de vous chercher», dont le juge d’instruction et les autorités allemandes. Le jeune homme a également été condamné à deux reprises en France en 2017. Mais, «ce n’est pas de ma faute». La repartie du jeune homme irrite et fait sourire à la fois. Assis sur le banc des prévenus, Yacine se marre. Sa traductrice a un mal fou à le canaliser et les rappels à l’ordre son nombreux.

Le jeune homme maîtrise la provocation. Le lendemain des faits, dans le transport pénitentiaire qui le ramenait en détention depuis l’hôpital, il a insulté et craché sur les policiers qui l’encadraient, puis a menacé les agents pénitentiaires de «remettre le feu et d’emmener des gens avec lui», rapporte l’enquêteur, «la direction et le personnel».

«Yacine est un perturbateur»

Le procureur a estimé que le tempérament rebelle du prévenu aurait guidé son geste. «Il a agi en fonction d’un sentiment de mécontentement et de colère», avance-t-il. «Le but de son geste était de se rebeller contre la sanction disciplinaire. Il n’est pas établi qu’il voulait mettre le feu au bâtiment.» Pour lui, le fait initial était volontaire, pas les blessures. Il a requis une peine de 30 mois de prison et une amende appropriée.

«Une peine qui si elle est prononcée ne sera pas un cadeau pour l’administration pénitentiaire», commente son avocat Me Stroesser. «Ce n’est pas un argument», rétorque la présidente. «Non, mais c’est un fait», assure l’avocat qui pense que Yacine a un problème psychologique car «ce n’est pas tous les jours qu’on a un détenu qui accumule autant de peines disciplinaires». Le procureur penche plutôt pour l’hypothèse que «Yacine est un perturbateur».

Le jeune homme semble se jouer de l’autorité. Il insiste sur sa minorité au moment des faits et pousse son avocat à demander à la chambre criminelle à se déclarer incompétente pour le juger. Dans le cas contraire, l’avocat appuie la thèse de l’accident et plaide en faveur d’un acquittement de son client qui «n’avait pas eu l’intention de commettre une infraction» en s’endormant sur son lit ou «de blesser quelqu’un». Si la chambre criminelle ne devait pas parvenir à cette conclusion, Me Stroesser demande à ce que Yacine soit condamné à une peine inférieure à celle requise par le parquet.

Le prononcé est fixé au 30 juin.