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Disparition de Paul Veyne, un des plus grands historiens français de l’Antiquité grecque et romaine

Sa vocation fut précoce : enfant, Paul Veyne séchait les cours pour se réfugier au musée archéologique de Nîmes où il fut repéré par un des conservateurs qui le prit sous son aile. Professeur honoraire au Collège de France, celui qui était l'un des plus grands historiens français de l'Antiquité grecque et romaine vient de s'éteindre à l'âge de 92 ans à Bédoin (Vaucluse), non loin d'Aix-en-Provence, où il était né en 1930. Naturellement modeste, discret et généreux, affecté d'une difformité faciale congénitale dont il riait malgré les sarcasmes essuyés dès l'enfance, il est l'auteur d'une œuvre ample qui se distingue par son ouverture à la sensibilité. Avec Est-ce ainsi qu'on écrit l'Histoire ? (1970), sans doute son essai le plus emblématique, il faisait de l'histoire moins une science qu'un territoire à explorer avec curiosité et dont il fallait rendre compte par une écriture qui, selon lui, devait d'abord être un plaisir. Certains parmi ses collègues épinglaient son côté franc-tireur. Lui assumait son image de provocateur, épris de liberté, de chercheur privilégiant l'approche pluridisciplinaire.

Plus le grec que le latin

Nous avions pu le rencontrer en 2012, alors qu'il venait de signer une nouvelle traduction de L'Énéide et que son Musée imaginaire était réédité en format numérique, ce qui constituait une première mondiale pour un livre d'art. Une avancée qu'il saluait avec enthousiasme : "Les nostalgiques, il y en a toujours eu. Il n'y a qu'à voir les gueulantes de Heidegger quand a été créé le livre de poche. Passons !" Au sujet de la disparition progressive des langues anciennes dans les programmes scolaires, il avait eu ces mots : "À chaque génération, il suffit de cinquante personnes qui savent bien le latin et le grec pour écrire des livres sur l'Antiquité et refaire les traductions. C'est ce que je pense une fois par semaine. Les autres fois, je regrette cette situation parce que j'aime le latin et le grec, plus le grec que le latin d'ailleurs…"

Proche du philosophe Michel Foucault et admirateur du poète René Char (il a consacré un livre à chacun), il laisse une vingtaine d'ouvrages en plus de ses travaux. Palmyre. L'irremplaçable trésor (2015), l'un des derniers qu'il signa, témoigne de sa stupéfaction devant le saccage incompréhensible d'un "trésor irremplaçable" par l'État islamique. "Palmyre ne ressemblait à aucune autre cité de l'Empire. […] Qu'on y parle l'araméen, l'arabe, le grec et même, dans les grandes occasions, le latin, on sent souffler sur Palmyre un frisson de liberté, de non-conformisme, de multiculturalisme", y écrivait-il. Palmyre et lui avaient beaucoup en commun.Geneviève Simon