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Le brame du cerf, envoûtante cérémonie dans les forêts d'Ardenne

L’automne a désormais pris ses quartiers et les forêts d’Ardenne connaissent depuis plusieurs jours, et pour quelques semaines encore, une activité propre à la saison, qui les fait résonner de mystérieuse et fiévreuse manière.

Comme l'écrit poétiquement Pierre Pellerin dans son ouvrage "Les rendez-vous de la nature au fil des mois", les cerfs "en mal d'amour répandent leurs appels comme des envolées de grandes orgues sous une ogive. Les mâles, porteurs de bois majestueux, clament plus fermement leurs ardeurs au signal de vendémiaire. L'attirance irrésistible des biches commande leur comportement".

Celui-ci prend différentes formes : les cerfs marquent les endroits où se trouvent les biches et piétinent le tapis forestier de façon codifiée ; leurs glandes dégagent une odeur forte, que les biches en chaleur ne manquent pas de percevoir et d’interpréter. Ce jeu de séduction trouve son paroxysme dans la cérémonie du brame.

Tête levée, les mâles les plus âgés délivrent un meuglement rauque d’une profonde animalité, qui impressionne presque autant que le rugissement du lion. Ces raires, qui résonnent sous les futaies tôt le matin ou tard le soir, de la mi-septembre à la mi-octobre, constituent le cri des cerfs en rut pendant la période de reproduction.

Dans nos régions, l’aire de distribution du cerf était, à l’origine, les plaines herbeuses, ainsi que l’explique un ancien numéro du magazine "Regards d’Ardenne". L’exploitation par l’homme de terres de culture proches de leur environnement a rejeté les cervidés vers la forêt.

En hiver, exposés au froid, à la neige parfois, à la rareté de la nourriture, ils restent le plus souvent à la lisière des bois. En février, les mâles perdent leurs bois alors que les femelles demeurent groupées au milieu du massif forestier, avec leurs faons, nés huit mois après le brame et dont l’allaitement dure six mois. Les biches gestantes s’éloignent en hardes dans les fourrés.

En avril, les mâles se reboisent et retrouvent leur couronne en juin. Pendant l’été, ils se nourrissent de jeunes pousses, d’arbrisseaux, de fruits sauvages et d’herbe.

Vient l’automne. La nervosité s’installe chez les cerfs comme chez les biches, de plus en plus réceptives. La période de rut commence par la phase de la muse. Les biches se rassemblent et leurs groupes sont suivis par les vieux cerfs, qui se guident aux effluves.

À la fin de cette période, les mâles se mettent à bramer et rejoignent les biches élues, se montrant intransigeants avec celles qui manifesteraient de l’attirance pour d’autres prétendants et avec ceux de leurs rivaux qui tenteraient de leur ravir leurs conquêtes.

La plupart du temps, par leur brame et le claquement de leurs ramures, les mâles dominants dissuadent les dominés d’aller plus loin dans leurs démarches séductrices. Le cerf le plus "timide" s’éloigne et le plus "audacieux" couvre à loisir plusieurs biches, car chez les cervidés règne la polygamie.

Mais il arrive que se mesurent deux cerfs de force et de convictions égales. Le combat est alors inéluctable. Il est souvent spectaculaire mais comme ritualisé et n’engendrant pas de graves blessures chez le perdant. Ce n’est pas toujours vrai. Parfois, des andouillers se brisent ou des blessures sont portées au flanc d’un des deux combattants, entraînant régulièrement sa mort.

Quoi qu’il en soit, le vainqueur est maître de la place. Pendant deux semaines, il pourra manifester son ardeur amoureuse. Quand la fatigue s’installe, de plus jeunes cerfs sont autorisés à participer à leur tour aux ébats, lesquels prennent traditionnellement fin à la mi-octobre.

Les cerfs se retirent alors par petits groupes tandis que les biches se fédèrent en noyaux familiaux.

Visites guidées ou libres promenades

Savez-vous qu’il existe un championnat de Belgique… d’imitation du brame du cerf ? La 7e édition, organisée par la confrérie des "Compagnons de Saint-Hubert" a eu lieu, début septembre, à… Saint-Hubert. Les trois meilleurs "imitateurs" représenteront la Belgique au championnat d’Europe 2023.

Les concurrents utilisent des appeaux particuliers mais se servent aussi de leurs cordes vocales pour reproduire, de façon parfois saisissante, le raire des grands mâles de nos forêts.

À ce petit jeu, certains sont devenus de véritables stars, comme le jeune Libramontois Thomas Cravatte ou Benoît Fassbender, pompier à Etalle et grand passionné de la faune de la forêt d’Anlier.

Nos lecteurs curieux pourront découvrir les talents de ces musiciens originaux sur Youtube et quelques autres sites Internet. C’est plutôt déconcertant.

Rien ne vaut, cependant, la version originale. Là aussi, un petit tour sur les sites qui proposent des visites guidées s’impose. Il existe de nombreux endroits, en Wallonie, où la chose est possible en cette saison.

Bien évidemment, ce sont les associations (ou les syndicats d’initiative) actives dans les villes et villages proches des massifs forestiers qui développent ce type d’activité. Citons, à titre d’exemples, les Offices du tourisme d’Herbeumont, d’Habay ou de Martelange.

Il existe, par ailleurs, une série de zones libres, que les amateurs peuvent rejoindre par leurs propres moyens. On les trouve, notamment, le long de la N889, entre Champlon et Nassogne, dans la forêt du Roi Albert, en face de l’aérodrome de Saint-Hubert, sur la N40, entre Libramont et Libin, dans la plaine de Vlessart (Léglise), au Ban d’Alle (Bouillon), en forêt d’Anlier, dans le domaine des Amerois, entre Florenville et Bouillon, mais aussi dans les Fagnes, sur le plateau des Tailles.

Les promeneurs sont instamment invités à respecter certaines consignes : ne pas s’approcher du territoire du cerf et de sa harde de biches à moins de 100 mètres ; ne pas utiliser de lampes de poche ; ne pas parler fort et encore moins crier ; ne pas claquer les portières de son véhicule ; ne pas fumer ; porter des chaussures dont les semelles ne font pas de bruit.

Ils ont aussi tout intérêt à choisir le moment de leur escapade : les soirs de pleine lune, par temps clair et frais, vous ne regretterez pas le voyage.

Mais, à celles et ceux qui n’ont jamais vécu l’expérience, on ne peut que conseiller de passer par une association.