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Les éditeurs de presse inquiets de la place prise par les médias publics : “La RTBF tue le pluralisme”

Le futur contrat de gestion de la RTBF pour la période 2023-2027 inquiète fortement Lapresse.be. L’Alliance des médias d’information, représentative des éditeurs de presse francophone, a parcouru cette feuille de route du service public d’information et elle y a relevé une série de points qu’elle juge problématiques.

Le principal grief porte sur la part de presse en ligne – les articles textuels – présente sur les sites de la RTBF, sachant que la mission première de cette dernière est d’offrir un service audiovisuel mettant l’accent sur l’image et le son (télévision, radio). Sur les plateformes ertébéennes, on trouve une majorité de textes provenant d’agences de presse, des contenus parfois sans traitement journalistique, des articles à base de curation d’autres sites de presse et des productions écrites ayant une existence indépendante des programmes TV et radio.

Les éditeurs de presse dénoncent la “concurrence déloyale” de la RTBF

Ce faisant, la RTBF marche sur les platebandes des organes de presse privés, alerte Lapresse.be, par la voix de François le Hodey et Bernard Marchant, respectivement CEO d’IPM (La Dernière Heure, La Libre, L’Avenir, Paris Match Belgique, Moustique, LN24) et de Rossel (Le Soir, Sudinfo, RTL, Vlan). En laissant ces contenus en accès gratuit, le radiodiffuseur public financé par des fonds publics menace la viabilité des éditeurs privés et dès lors constitue un risque pour le pluralisme des médias.

"La presse papier a vécu grâce à ses lecteurs. Il est indispensable de reproduire ce système sur le net."

Un risque que le futur contrat de gestion semble ignorer puisqu’il entérine la volonté de voir les contenus du service public “lus par le plus grand monde”. “Le contrat de gestion ouvre le champ de ses activités de la manière la plus large possible et fait croire que la presse en ligne représente le même marché que l’audiovisuel”, dénonce Bernard Marchant.

”La RTBF tue le pluralisme et détruit le marché de la presse”

”La presse papier a vécu grâce à ses lecteurs. Il est indispensable de reproduire ce système sur Internet”, explique François Le Hodey, qui précise qu’un modèle de financement d’un média numérique basé uniquement sur la publicité n’est pas viable. “Les lecteurs financent le pluralisme.” Avec son modèle gratuit pour les consommateurs mais payant pour le contribuable, la RTBF, qui est financée par nos impôts, “tue le pluralisme et détruit le marché de la presse”. Dans l’économie numérique du futur, cette stratégie ne permettra pas de faire coexister le modèle gratuit du service public avec le modèle payant du privé.

"Si demain, la RTBF a un catalogue aussi fourni que Netflix, qui prendra encore un abonnement à Netflix?"

Bernard Marchant explicite la situation par une comparaison. “Si demain, la RTBF a un catalogue [gratuit] aussi fourni que Netflix, qui prendra encore un abonnement à Netflix ?”

À terme, la situation pourrait devenir catastrophique pour les rédactions. Si le service public continue d’accaparer les lecteurs qui pourraient choisir le modèle payant pour s’informer, les rédactions désargentées pourraient être contraintes de se défaire d’une grande part de leurs employés.

Lapresse.be a notifié officiellement à la ministre des Médias Bénédicte Linard (Ecolo) qu’en cas d’échec d’un contrat de gestion évitant la concurrence frontale avec la RTBF, les éditeurs avaient calculé que sur les 600 journalistes employés et indépendants de leur secteur, 50 % étaient à risque pour leur futur professionnel dans les 5 ans.

Revoir le contrat de gestion

Les deux CEO demandent à la Fédération Wallonie-Bruxelles de revoir le contrat de gestion, indiquant qu’il suffirait d’y modifier quelques phrases. Le contrat doit préciser que les textes sont l’accessoire de l’audiovisuel. Actuellement, le contrat précise que 60 % des textes publiés doivent être liés à la programmation télévision et radio, or, “cela doit être 100 %”. “Ce n’est pas un indicateur, c’est une obligation”, martèlent les directeurs, se basant sur des décisions légales, telles que la décision de la Commission européenne du 7 mai 2014 ou le jugement rendu par le tribunal de Commerce Charleroi du 30 décembre 2011.

Le problème de ce contrat de gestion est qu’il est approuvé par un conseil d’administration où siègent des représentants des partis. Or, “il n’y a toujours par le déclic politique”, ajoute François Le Hodey, qui déplore l’inaction du monde politique. “C’est un problème de gouvernance. Ce sont trois partis qui tiennent les rênes. On est dans l’entresoi.”

Si la situation n’évolue pas, les éditeurs de presse envisagent d’entamer des procédures juridiques.