Belgium
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On a suivi Belgique – Maroc à Molenbeek : “J’aurais voulu qu’ils se rencontrent plus loin dans le tournoi” (photos&vidéos)

”Combien ?”

”5 euros”.

Chaussée de Gand à Molenbeek, le cours du drapeau marocain atteint des sommets ce dimanche 27 novembre 2022. Le Maroc vient de battre la Belgique à la Coupe du Monde. De la pelouse qatarie, le spectacle se déplace dans les rues du nord-ouest de Bruxelles. Un papa, gamine sur les épaules, s’arrête pour tâter un maillot rouge suspendu à la marquise d’un bazar. Le souvenir en tissu synthétique lui coûtera 20€.

C'était la fête dans le quartiers des Étangs Noirs à Molenbeek après le match Belgique-Maroc et la victoire des Lions de l'Atlas à la Coupe du Monde. ©Julien Rensonnet

Quelques centaines de mètres plus haut, la place des Étangs Noirs vrombit. Les surpuissants scooters liment leurs pneus sur le rond-point, pris d’assaut depuis le coup de sifflet final. Les motards slaloment entre les berlines aux vitres baissées. Les klaxons obligent les nombreux enfants aux regards ébahis à se boucher les oreilles. Dans le carrefour, un vendeur à la sauvette essaye d’écouler ses chapeaux et fanions rouges à l’étoile verte. L’étendard du Rif drape quelques épaules. Les smartphones ne perdent rien.

"J'espère qu'ils vont pas tout casser. Y a des gens qui connaissent rien au football et qui n'attendent que ça"

”C’est souvent le b*** quand l’Maroc gagne. Mais cette fois-ci c’est vrai que c’est énorme”, commente un vieux briscard sur le seuil d’un salon de coiffure qui ne coiffe pas grand monde ce dimanche. “J’espère qu’ils vont pas tout casser. Y a des gens qui connaissent rien au football et qui n’attendent que ça”. Les seules victimes jusqu’ici semblent les chauffeurs des bus STIB qui doivent jouer du pare-chocs pour fendre la foule tonitruante. Certains en profitent pour se percher sur leur toit. Tout ça reste bon enfant. Les mamans photographient leurs gamins habillés d’écarlate. Les petites filles arborent les noms des joueurs dans leur dos. Les ados tiktokent. Un tambour est sorti, puis deux. De la banquette arrière d’une voiture surgit une casserole frappée d’une louche. Un pétard trop puissant explose. Des feux d’artifice éclairent la nuit tombante de vert et de rose.

C'était la fête dans le quartiers des Étangs Noirs à Molenbeek après le match Belgique-Maroc et la victoire des Lions de l'Atlas à la Coupe du Monde. ©Julien Rensonnet

”Le Maroc n’a pas bien joué en première mi-temps. Mais la deuxième, c’était mieux”, analyse-t-on dans la lumière d’une rôtissoire. “Là on est bien. En principe ça devrait passer pour le 2e tour. On ne devra pas compter sur le résultat des Belges”. Les mentons acquiescent.

"Ici, personne comprend les commentaires en arabe. C'est juste pour l'ambiance".

Au Centre Amical Molenbeekois, on n’aurait pas osé parier sur une telle euphorie au moment des hymnes nationaux. Chez ces supporters massés dans le petit cercle de la rue de la Carpe, on ne prend prudemment pas parti. “Un match nul, ça serait parfait”, pose Omar. “Les deux équipes ont de très bons joueurs”, apprécie le Molenbeekois qui sirote “le meilleur café de la commune”. Hicham a emmené son fils de 7 ans. Qui ne perd pas une miette. “J’aurais voulu qu’ils se rencontrent un peu plus loin dans le tournoi”. Le volume de la télé en arabe monte d’un ton. Le papa rigole “Ici, personne comprend les commentaires. C’est juste pour l’ambiance”. Karim est d’accord : “Chez moi je regarde toujours en français. C’est beaucoup plus fade”.

C'était la fête dans le quartiers des Étangs Noirs à Molenbeek après le match Belgique-Maroc et la victoire des Lions de l'Atlas à la Coupe du Monde. ©Julien Rensonnet

Les deux drapeaux

Dans le comptoir, Mimoun multiplie les thés à la menthe et les expressos. “Y a toujours pas mal de monde pour les matchs du Maroc. Ici, c’est un derby. Moi j’suis content. Que le meilleur gagne”. Mais quand le premier but tombe, le taulier perd un peu de sa neutralité. Il tente vite de ramener le calme. Il est bien aidé quand le but est annulé par le VAR. Trois verres ambrés fumant dans la main, Kherkheche est là en soutien. “Ce matin, j’ai accroché les deux drapeaux. Comme ça, pas de problème”.

"C'est nul de regarder le foot là-bas, y a pas d'ambiance. Alors on a pris la voiture tôt ce matin pour venir à Molenbeek. On sait qu'il y a beaucoup de Marocains ici. On adore l'ambiance."

Sur le seuil, sous le vitrail au poisson, ceux qui n’ont pas de chaise se penchent entre les lettres calligraphiées à l’ancienne de la vitrine pour apercevoir la pelouse. Tourya arrive de la Bourse. Elle n’a pas pu rester dans le centre bruxellois. “Les policiers font barrage. Ils interdisent l’accès aux gens qui portent une tenue distinctive”. Dans son maillot du Maroc dont elle ne sait pas lire l’inscription en arabe, l’Ixelloise hausse les épaules. “Je savais qu’il y avait du monde à Molenbeek alors voilà”. Son collègue Samy la prend par l’épaule. “Un match officiel entre Maroc et Belgique, c’est exceptionnel. Y en a pas eu depuis 1994”.

VIDÉO | Gros débordements à Bruxelles après Belgique-Maroc
C'était la fête dans le quartiers des Étangs Noirs à Molenbeek après le match Belgique-Maroc et la victoire des Lions de l'Atlas à la Coupe du Monde. ©Julien Rensonnet

Youssef et Ezra zappent entre les réseaux sociaux et l’écran plat du café. C’est assez fou : les deux jeunes de 19 ans viennent… de Tilburg, au sud des Pays-Bas. “C’est nul de regarder le foot là-bas, y a pas d’ambiance. Alors on a pris la voiture tôt ce matin pour venir à Molenbeek. On sait qu’il y a beaucoup de Marocains ici. On adore l’ambiance”. Dans leurs vareuses blanches, ils ne masquent pas leur plaisir. “Y a plein de monde dans le café. Depuis le covid, on avait oublié comme c’est bon d’être ensemble. Et si le Maroc gagne, ça peut être la folie ici !”

Le premier but donne un avant-goût. Mais les dents restent crispées jusqu’au deuxième. La fin du match se vit dans les chants. L’amicale se vide sur le trottoir. Nos deux Hollandais ne risquent pas d’oublier de sitôt leur virée à Molenbeek.

C'était la fête dans le quartiers des Étangs Noirs à Molenbeek après le match Belgique-Maroc et la victoire des Lions de l'Atlas à la Coupe du Monde. ©Julien Rensonnet